Une histoire a dormir debout

LE TIGRE BLANCAllongée sur l’herbe, je suis bien, je me repose, mon esprit se balance comme dans un hamac. Il butine les idées, tel un insecte allant de fleur en fleur, ne s’arrêtant sur chacune d’elles que l’espace d’un instant.Je suis bien…  la béatitude ne doit pas être autre chose que cet état d’abandon total.

Cependant, un léger bruit parvient à mon oreille. Je ne m’en inquiète pas, les acouphènes depuis de nombreuses années remplissent malheureusement ce qui devrait être le silence, et j’ai l’habitude des mirages auditifs. Pourtant, mon attention s’éveille progressivement. Au milieu de ce sifflement aigu que je perçois constamment, il me semble entendre autre chose.
Des voix! Oui, c’est ça… des voix. Je dirais plutôt, un léger murmure, que je m’étonne de distinguer dans ce bruit de cocotte minute qui bourdonne dans ma tête.

Pourtant… oui… je commence à entendre plus ou moins distinctement.
Mais je ne bouge pas… tout mon être me pousse à ouvrir les yeux, à me relever et à regarder autour de moi pour savoir ce qui se passe, mais bizarrement j’en suis incapable. Suis-je paralysée?
Imperceptiblement, je tente de remuer le petit doigt gauche.
Ça marche!… le droit?… ça marche aussi. Bon, de ce côté là pas de problème. Je me concentre donc sur ces voix et je tends l’oreille vers ce bruit incongru. Et ce que j’entends me glace le sang!
Des voix minuscules, oui c’est ainsi que je les visualisais, tenaient cette conversation.
– Crois-tu disait la première, que nous allons y arriver? Elle est vraiment très grosse!!!
– Mais de qui parlent-t’elles?
– Pas de problème, dit la seconde, on va appeler les copines, elle vont faire ça en deux temps trois mouvement.
– Je crois, moi que ça être très difficile, tu imagines un peu combien elle pèse?… au moins 180 livres!!!!!…. on va se tuer à la tache, et on ne va même pas en profiter, ce sont les autres qui vont se régaler.
– Mais!… on parle de moi là! Comment ça, 180 livres???? Quel culot!, moi qui viens de faire un régime!… J’ai perdu 10 kilos! Je ne sais pas qui sont ces personnes, mais franchement, elles exagèrent… 180 livres!!!!!
– Ecoutes, si tu penses que c’est trop difficile, on n’a qu’à en enlever un petit morceau, le manger et appeler les autres après… dans le fond, c’est nous qui l’avons trouvée, non? Alors, elle est à nous. Qu’en penses-tu?
– Je suis d’accord. D’ailleurs, je meurs de faim, j’ai besoin de reprendre des forces. Par quel bout on attaque?
– Par quel bout?, non mais des fois, ça va pas la tête? Ça suffit cette plaisanterie! Je n’ai pas l’intention de servir de méchoui, moi, je vais leur dire ce que je pense à ces cannibales!
– La cuisse, c’est le morceau que je préfère, et toi?
– Moi je préfère la fesse, il n’y a pas d’os, rien que du gras…. hum!… c’est fondant, pas de muscle…. un régal pour les gourmets!.
– Tu n’as pas tort, alors à l’attaque!

J’étais abasourdie! Que se passait-il? Qui parlait ainsi de moi! … On voulait me manger!…  Et en commençant par les fesses!!! “MES” fesses!…
Depuis toujours j’ai une préférence pour cette partie de mon anatomie, la plus charnue, la plus ronde, la plus jolie quoi!
De face, ou plutôt de dos… comme de profil, elles sont charmantes, mes fesses.
Oh! bien sûr, ce ne sont pas des fesses sans peur et sans reproche comme celles des Brésiliennes! Mais au
moins elles sont à moi, telles que Mère Nature les a faites!
Et je dois dire qu’elle ne s’en n’est pas si mal tirée que ça, Mère nature!
Parce que les Brésiliennes…, sans les bistouris et les plasticiens… elles peuvent toujours aller se rhabiller… leurs fesses! Non?

Et ces espèces d’anthropophages avaient donc décidé de s’attaquer à mon postérieur!
– Aie!!!… Ah! mais je n’allais pas me laisser faire! Aie!!! Non mais des fois! Aie!!! …aie!!!… Aillleuuuu!….. Ces carnivores ne savaient pas à qui elles avaient à faire, aie!…. j’allais me défendre, et férocement… aie!…

Ces sauvages avaient déjà commencé leur festin et je ressentais les premières morsures!
– Arrêtez!… ça suffit!… au secours!!!!
Ah!… les vaches!… Elles en mettaient un coup!!! J’avais beau me trémousser, pas moyen de les déloger, elles tenaient bon et me grignotaient  l’arrière train… avec entrain.

Paralysée par la peur et la douleur, je restais un instant indécise. Que faire?… me lever?
Il me semblait que c’était la seule chose à faire, mais curieusement, je ne le pouvais pas. Comme si mon cerveau refusait de me permettre d’accomplir ce simple geste qui me sauverait de mes assaillants.
Aie!… aie!… aillaillaille!…

Je tentais alors d’ouvrir les yeux pour les voir… ces sauvages, mais mes paupières restèrent collées. Ça alors! tout se liguait contre moi! J’allais être dévorée toute crue, vivante!!!!! Elles me confondaient avec un tartare. Maman!… maman!… Au secours!… je ne veux pas!

A cet instant, involontairement, lentement… ma main se leva, mon bras la suivit dans son geste… et… paf!… appliqua une énorme claque sur ma fesse endolorie!
Le bruit, et la douleur me réveillèrent et me firent me détendre d’un seul coup. Je poussais un cri, et me retrouvais assise dans l’herbe sur ce que je n’avais pas vu en m’allongeant: une fourmilière!!!!
Avec mille contorsions je réussis à voir une partie de ma fesse droite, la plus belle.
Elle était rouge et boursouflée, et une quantité invraisemblable de fourmis galopaient dessus, dans tous les sens! Je venais de troubler leur festin.

Mais, me direz-vous, vous étiez donc toute nue, pour que ces insectes affamés décident de vous boulotter?
Mais non vous répondrais-je, j’avais un pantalon, et je peux vous dire que j’ai eu le plus grand mal à me débarrasser de ces sales bêtes!
Après avoir accompli, à mon corps défendant, une danse plus grotesque que gracieuse, et après avoir occis une assez grande quantité de mes agresseurs, je suis rentrée à la maison pour soigner mon postérieur endolori.

Mais hélas, mes mésaventures ne se terminaient pas aussi simplement. En marchant sur la pelouse, tout à coup, un mouvement, une silhouette fugace, rapide, se profila à quelques mètres de moi.
Boitillante, encore sous l’effet des morsures des fourmis, je me dirigeais vers cette forme indistincte. Mais plus rien, j’ai du avoir une vision, ou plutôt, une feuille a voleté par là, ou un oiseau, ou… ou… je ne sais pas moi! Peut-être qu’il n’y avait rien mais, que sous le choc de ma bataille avec les Marabounta Normandes, j’étais juste un peu inquiète, tout simplement.

Mais… oui… oui… si cette fois je ne voyais rien, j’avais bien entendu! Un grognement… éloigné d’abord, mais qui se rapprochait assez rapidement…un feulement plutôt… oui, c’est çà… un feulement!… Grrrrrrrrrrrrrr grrrrrrrrrrrrrrrrrr grrrrrrrrrrrrrrrrr….

Mon Dieu, il y avait un tigre dans le jardin! Et cette ombre qui venait de passer? Cette fois-ci je l’avais bien vue! Si si, je l’avais vue… et entendue! Je l’avais même très bien vue, bien que floue.  Pourquoi floue? Je ne sais pas, c’était comme ça, c’est tout… c’était flou, un point c’est tout!

Ce n’était pas un tigre, mais une chose bizarre… très bizarre même, une sorte de… centaure (centaure et sans reproche dirait in petto, mon époux qui n’en rate pas une),… oui, c’est ça, un centaure!
Ça alors! Un centaure dans mon jardin!
Terrorisée, ne voulant plus voir ce monstre, épuisée, je me jetais dans l’herbe à plat ventre, les mains sur mes oreilles, et j’attendis! Je me disais que, puisque ma dernière heure était sans doute venue, ce n’était pas la peine de résister, que le plus vite serait le mieux, et que Inch Allah, tant pis…

Mais je n’ai pas eu le temps de penser davantage… je poussais un hurlement!… les fourmis m’attaquaient-elles de nouveau?
Non… je venais de me coucher sur un buisson de ronces, que je n’avais pas vu! Aie.. aillaillaille!… Comment me défaire de ces épines qui me déchiraient de partout?
Maman!!!!!!!
Aie! et ça, qu’est ce que c’est? Ça pique aussi, mon Dieu que ça pique! Et bien, il ne manquait plus que ça… des orties! Mais ça n’est pas possible, on veut ma mort!… A moi…  à l’aide… au secours!!!!!….
– Madame?… Madame?…
– Oui… Qui m’appelle?
– C’est moi, Madame, Valentin le jardinier.
– Valentin? Oh!, mon ami, vous tombez bien. Sauvez-moi! Avez-vous vu cette bête affreuse qui hurle dans le jardin et qui a failli me dévorer?
– Une bête, Madame?
– Oui, une espèce de centaure,… énorme… qui fait un bruit épouvantable, menaçant, et qui m’a précipitée dans ce tas de ronces.
– Je pense plutôt que Madame a fait un mauvais rêve.
Il n’y a pas de fauve, pas plus que de centaure dans le jardin, Madame n’a rien à craindre.
Dans son sommeil, Madame a du me prendre, moi et la tondeuse, pour cet animal, mais je peux vous assurer que le jardin est vide de tout fauve, et que Madame peut se promener tranquillement, et sans crainte.
Parce que, voilà au moins une heure que vous vous êtes endormie là, Madame, et cette ronce, là sous votre postérieur, (que Madame m’excuse), vous a certainement blessée, étant donné le sommeil agité que vous aviez.
Vous avez crié…aie aie aie, à plusieurs reprises, vous bougiez, on aurait dit que vous vous battiez avec quelqu’un. Mais là où je n’ai pas pu m’empêcher de rire, c’est quand vous vous êtes donné une grande claque sur la fesse! Non d’une pipe, vous n’y êtes pas allé de main morte.
J’étais étonné que ça ne vous ai pas réveillée.

– Mais, je me suis réveillée, je me suis levée, et je rentrais à la maison quand la bête a hurlé.
– Non, madame, vous avez continué à dormir, à gigoter, à parler fort, et à crier, jusqu’à ce que je vienne vous réveiller.
– Donc, d’après vous, Valentin, je dormais, et tout cela n’était qu’un cauchemar?
– Oui, Madame, je peux vous l’affirmer.
– Et bien, j’aime mieux ça. Mais Dieu, que j’ai eu peur! Et ces fourmis qui voulaient me dévorer vivante!!! J’ai eu la frousse de ma vie, Valentin. Merci encore de m’avoir réveillée.

Rassurée, et cette fois-ci, tout à fait éveillée, je me suis dirigée vers la maison. Mais, avant d’entrer dans le hall, j’ai entendu une petite voix derrière moi, qui disait:
– Regarde, notre repas qui fiche le camp! C’est quand même dommage… une fesse pareille… vraiment, quel dommage!…

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12 réflexions sur « Une histoire a dormir debout »

  1. Ouff ce n ‘était qu ‘un mauvais rêve! j’ai cru un moment que tu avais fumé la moquette!!! mdr
    Sympa ton petit roman
    gros bisous Mijo
    Martine

  2. HA MIJO TU M AS FAIT PEUR ….LOL OUI J AI PENSE QUE SOIT TU AVAIS FUME UN PETARD SOIT TU AVAIS ABUSE DU CALVA ….HAHAHAH
    MAIS C EST BIEN …REVE …ET LE JARDINIER A DU BIEN RIGOLER ….
    C EST BIEN TOI ….. BISOUS .

  3. Ouh la la !
    Comment va ta fesse ?
    Je veux dire après la claque que tu lui a mise, la pauvre !!!
    Bravo pour cette histoire, bises et au plaisir de te lire encore.

  4. bonsoir , vous me dites que je suis un peu poète , mais alors vous , ce n’est plus de la poésie , mais une fable , que dis-je un petit roman , qui de surcroît bien écrit , et très bien tourné ; serais-je retourné à l’école sans le savoir ? non , mais je ne rêve pas vous êtes une bonne personne qui sait magner la langue de molière avec respect des lois qui la régissent ; je n’ai qu’une choses à dire mille félicitations pour ce joli texte et pour ce blog que je découvre avec joie !!!!!!!!
    toute mon affection , continuez à me  » régaler  » ; gilles

  5. C’est une histoire délicieusement amusante – on est pris par cette lutte avec les « envahisseurs du jardin » – les fourmis sont très crédibles, car pour avoir été mordue par ces petites bestioles, je sais oh combien elles peuvent s’acharner !
    Mais le centaure était un peu trop « gros » pour que j’y croie…. je cherchais ce qui pouvait ressembler à cet animal mythologique … finalement tout n’était qu »un cauchemar ! Merci au gentil jardinier de t’avoir réveillée ou bien… j’aurais bien aimé avoir encore un peu plus de dialogues incroyables (eh oui, je suis comme ça !)

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