Le Peintre

Amies lectrices, amis lecteurs, bonjour.
Certains d‘entre vous vous, reconnaîtrons «Le Peintre» sur la photo.
Mon mari, Philippe, ayant interprété, avec succès, le rôle du peintre Boudin lors d’un spectacle, il m’a aimablement permis d’utiliser son image pour illustrer ma Nouvelle.
Toute autre ressemblance ne serait que le fruit d’un hasard bien facétieux.)

Dans son atelier, le Peintre, assis devant sa toile, pleurait.
Enfin… quand je dis pleurait, c’est quand même un peu fort, il ne faut rien exagérer non plus.

Je recommence.
Dans son atelier, le Peintre, assis devant sa toile, grognait, ronchonnait, se parlait tout seul, bref, il faisait preuve d’une agitation totalement inhabituelle… pour un peintre.
Mais, était-il toujours un peintre? Lui-même en doutait fortement.
Cette toile, la première depuis longtemps, très longtemps, lui résistait.
Comme si, par son intermédiaire, elle se vengeait de son abandon, de sa si longue absence.

Le peintre avait été un Artiste connu et reconnu, il y avait longtemps.
Mais un jour, allez savoir pourquoi, et lui-même le savait-il, il avait tout abandonné.
Comme ça, sur un coup de tête.
Il en avait eu assez de la peinture, des difficultés de la création, des doutes, des critiques, des expos, bref, il avait brutalement, et volontairement, refermé cette porte sur lui-même.
Pourtant ça marchait bien pour lui, mais il est des décisions qui ne demandent pas d’explication.
C’est comme ça, et puis c’est tout!

La peinture ne lui avait pas manquée, il n’y pensait même plus, c’était une époque de sa vie qu’il avait complètement occultée.
Et il avait été heureux comme ça.

Et puis un jour, un copain, un peintre évidemment, lui avait lancé un défi.
Au cours d’une soirée entre amis, tous plus ou moins artistes, peintres, sculpteurs, écrivains, comédiens, son meilleur copain lui avait dit tout de go:
 » C’est bien beau, mon vieux, de critiquer les copains, de trouver qu’ils n’évoluent pas, ou bien qu’ils régressent, mais toi?
Voilà une quinzaine d’années que tu ne fais plus rien.
Le néant!
Tu ne t’en tirais pas mal, pourtant!
Personne n’a compris pourquoi tu as brusquement tout arrêté.
Je suppose que tu n’es même plus capable de faire un tableau, si tant est que tu saches encore ce qu’est un pinceau ou une brosse! ».

L’assistance s’était tue, brusquement en alerte.
Un lourd silence remplaça le brouhaha sympathique qui régnait quelques secondes plus tôt.
Y allait-il avoir un clash?
Ces deux là passaient leur temps à se chamailler, c’était à qui asticoterait l’autre, le plus loin possible, sans méchanceté, mais souvent à la limite de la véritable engueulade.
La plupart du temps, ces prises de bec se terminaient dans les rires, mais cette fois-ci, sans savoir pourquoi, les gens devinèrent qu’il y avait quelque chose de changé.
Le copain du Peintre avait touché une corde sensible, que le Peintre lui-même n’avait plus fait vibrer depuis bien longtemps….

Etait-il encore capable de peindre?
Il ne s’était plus posé cette question depuis si longtemps que, pendant une fraction de secondes, il ne comprit pas le défi.

Puis, les mots se mirent en ordre dans sa tête: « capable… capable…. de… peindre….?Il se vit, assis devant une toile, pinceaux et peintures à côté de lui, dans son ancien atelier.
Mais au fait, qu’était-il devenu son atelier?
Après tout qu’importait?

Il regarda alors son copain, et prononça ces mots, calmement:
 » Je ne sais pas si je suis encore capable de peindre… mais le meilleur moyen de le savoir c’est, et je pense que tu seras d’accord avec moi, que je peigne un tableau, ou, pour être plus juste, que j’essaie, de peindre un tableau.
Qu’en penses-tu? »

L’autre le regarda, perplexe.
Puis il sourit et lui dit: » Non seulement je suis d’accord, mais je suis certain que tu vas réussir.
La peinture c’est comme la bicyclette, ça ne s’oublie pas! « .

L’assistance recommença à respirer, ouf! on avait échappé au clash!
Et les conversations reprirent allègrement.

Le Peintre, lui, n’en menait pas large.
Peindre de nouveau, après tant d’années…, c’était une folie!
Il avait cessé de peindre parce qu’il n’en n’avait plus envie, tout simplement.
Plus d’idées, plus d’envies, c’étaient des raisons bien suffisantes pour arrêter une activité qui ne lui donnait plus de satisfaction.
Et voilà qu’il s’était fait prendre au piège.
Il allait falloir qu’il le fasse, ce foutu tableau!

Il était donc devant cette toile, blanche, aussi blanche que son cerveau était vide.
Qu’est ce que je vais bien pouvoir peindre, non mais qu’est ce que je vais bien bien pouvoir peindre, se répétait-il, en boucle.
Il regardait la toile, et la toile le regardait.
Et tous les deux se faisaient la gueule.
Le peintre parce qu’il n’avait pas d’idée, et la toile, parce qu’elle commençait à en avoir assez de voir ce benêt, assis devant elle, marmonnant des mots sans suite, immobile, et baillant aux corneilles.

Après un long moment, dans le silence de l’atelier, une sorte de murmure, d’abord indistinct se fit entendre.
Mmm…tu…. pin… huil…. tabl…
Le peintre ne réagit pas tout suite, perdu qu’il était dans ses pensées moroses.

Mais le son recommença, et cette fois-ci, le Peintre entendit distinctement:
 » Si tu crois que c’est en restant immobile, avec cet air niais, que tu vas réussir ton pari…. ».

Le Peintre sursauta, se leva d’un bond, regarda autour de lui, l’air complètement ahuri, et resta planté là, cloué sur place, immobile, avec l’air du poisson qui, après avoir fait un bond plus haut que d’habitude, se retrouve dans l’herbe, au lieu de son bassin, et ne comprend pas ce qui lui arrive.

– Qui… qui… est là? demanda-t-il d’une voix mal assurée.
– C’est moi, idiot.
– Mais qui, moi?
– Oh! mais, vraiment, quel imbécile tu fais! Qui y-a-t-il dans la pièce, à ton avis?
– A part moi, personne, et ce n’est pas moi qui me parle à moi même, j’espère. Je ne suis pas pas fou que Diable!
– Mais non, tu n’est pas fou. Regarde moi. A ton avis, qui te parle?… tu ne vois pas?… tu n’imagines pas?
Je vais t’aider un peu. Je ne suis pas un être humain. Je ne suis pas un animal. Je suis une chose….
Tu ne trouves pas? Voyons, que vois-tu dans cette pièce, ? De quels objets es-tu entouré?
– Non mais ça ne va pas, non? Un objet qui me parle! Je parle avec un objet!!!! Je perd la tête. Cette histoire de tableau m’a tourneboulé le ciboulot, je débloque.
– Mais non, tu ne perds pas la tête. Mais réfléchis donc un peu, non d’une pipe!
Je suis… je suis… ta TOILE!!!… là… devant toi… sous ton nez!

Le peintre, qui était resté debout pendant cette scène, ouvrit la bouche, écarquilla les yeux, et, complètement tétanisé, voulu s’asseoir.
Ce qu’il fit… mais sans réfléchir, et surtout sans regarder où il posait ses fesses… et ce qui devait arriver, arriva: il s’étala de tout son long sur le sol, dans un bruit mou de fruit trop mûr.
Plafff…!!!
Sur le dos, les bras en croix, immobile, les yeux rivés au plafond, il ressemblait de plus en plus au poisson dont j’ai parlé plus haut.
D’autant plus qu’il ouvrait et refermait la bouche, mais aucun son n’en sortait, tout à fait comme un poisson vous disais-je.

Un grand rire moqueur retentit.
– Mon pauvre vieux, ce que tu peux être bête! Allez, relève-toi, et causons.

Le Peindre, tel un automate, se releva, chercha du regard son tabouret, et, lentement, en regardant sa toile, la tête penchée de côté, le regard en biais, se rassit, et resta immobile.

Le silence dura un bon moment.
Le Peintre regardait la Toile, qui regardait le Peintre.
En somme, ils faisaient connaissance.
Cela prit un bon moment, entrecoupé de soupirs, dont on ne pouvait dire s’ils émanaient du Peintre ou de sa Toile.

Puis la Toile reprit la parole:
– Donc, te voilà pris au piège. Il va falloir que tu te remettes à la peinture, après si longtemps!
Entre nous, je comprend ton angoisse, mais il ne faut rien exagérer non plus. Si tu te plantes, il n’y aura pas mort d’homme.
Ta vanité sera chatouillée un moment, mais tu t’en remettras, et la terre ne s’arrêtera pas de tourner pour ça.

Le Peintre, qui n’arrivait toujours pas à accepter de discuter avec ce morceau de chiffon tiré à quatre épingles et cloué sur un bout de bois, regardait cette toile avec l’envie, de plus en plus grandissante, de la sortir de l’atelier, et de la brûler le plus vite possible.
Pour être tranquille.
Sorcellerie, pensait-il!… Vade retro… Satanas!!!!

Dans la vie courante il ne parlait pas le Latin, mais il est des circonstances où certains souvenirs d’enfance vous reviennent en mémoire, et, enfant, il adorait cette phrase, alors, évidemment, il ne s’en priva pas.
Entre nous, il aurait eu tord de ne pas le faire, non?

Il se demandait, et vous aussi peut-être, comment il en était arrivé à discuter avec une toile, vierge de surcroît.
Il n’était pas alcoolique, ne se droguait pas, n’avait jamais eu de problèmes de dédoublement de la personnalité, bref, une vie très banale et tout à fait normale, jusqu’à cet instant.
Il se prit la tête dans les mains, et, au bout d’un moment, il parla.
– Je suppose… bien que tout cela semble bien réel… je veux dire… que toi, une toile, tu puisses me parler, et que moi, le Peintre, je puisse t’entendre et donc te répondre… je suppose donc que tout ceci n’est qu’un effet de mon imagination exacerbée, et inquiète de ne pas savoir comment m’y prendre pour exécuter ce tableau….

La Toile, sursauta sur le chevalet!
Oui, oui, elle se souleva brusquement de quelques centimètres, et le Peintre, qui n’avait pas besoin de ça pour se croire devenu fou, en fit autant, sans même s’en rendre compte.

– Tu ne rêves pas, espèce d’idiot, mais si tu continues comme ça, ce soir je serai encore vierge, et toi encore un peu plus idiot… si c’est possible…
– Oh! Dis-donc… toi! Tu n’as pas fini de m’insulter constamment?
C’est déjà bien difficile d’accepter que tu me parles, mais si, en plus, tu me traites d’idiot toutes les cinq minutes, tu vas terminer ta carrière de toile avant de l’avoir commencée, c’est-à dire, au feu!!!
– Bien… bien… tu te réveilles enfin, c’est pas trop tôt! Il faut battre le fer quand il est chaud, au travail, mon vieux!
– Au travail… au travail… c’est bien joli ça… au travail…!
Tu crois que c’est facile, toi, de peindre sans avoir une petite idée de ce que l’on veut peindre?
– Tu sais, il y-a des tas de peintres qui partent sans idées et qui s’en tirent très bien.
– Peut-être, mais moi, si je me suis arrêté, c’est parce que je n’avais plus d’idées, alors, je ne vais pas te commencer sans savoir où je vais t’emmener, c’est pas ma façon de travailler.
– Fais comme tu veux, mon vieux, mais commence!
COMMENCE, NON D’UNE PIPE!!!!

Le peintre, abasourdi, regarda la Toile.
Puis, le regard dur, les mâchoires crispées sur un sourire mauvais, il s’approcha lentement d’elle.
– Je sens, dit celle-ci, que tu vas faire une bêtise….
Tu ferais mieux de chercher en quoi tu vas me transformer.
Que veux-tu faire?
Une nature morte?
Un paysage?
Un portrait?
De l’abstrait?
Décide toi…allez… tu traînes, tu traînes, dépêche-toi un peu, non d’un p’tit bonhomme!

Le Peintre ouvrit la bouche, esquissa un geste… puis se ravisant, il se rassit, en silence.

Au bout d’un moment, il se parla à lui-même, mais la Toile écoutait de toutes ses fibres de coton, tendue.
– Cette histoire est complètement folle, il faut donc que je fasse quelque chose de complètement fou.
Quelque chose que je n’ai encore jamais fait.
Du non figuratif… oui, c’est ça, du non figuratif.
Voilà, je vais faire quelque chose de fou, de rigolo mais fou, où chacun pourra y trouver ce qu’il veut. Une sorte d’auberge Espagnole de la peinture.
Pas mal, non?
Qu’en pense tu, la Toile?

Un silence peu engageant lui répondit.
(Si l’on peut dire, parce que… un silence… en général ça ne dit pas grand chose… et même, ça n’engage à rien… en principe, parce que, un silence peut aussi être… éloquent, ce qui laisse entendre qu’il dit beaucoup de choses… le silence!)
Mais je m’égare…

Puis la Toile se gratta la gorge.
Enfin, c’est l’impression que ressentit le Peintre, parce que, une toile qui se gratte la gorge, c’est pas courant, non,?
Mais reconnaissons que nous ne sommes pas dans le courant, en ce moment, alors, pourquoi pas?

– Du non figuratif, dis-tu? Oui… je veux bien… mais attention! pas n’importe quoi! je ne veux pas être recouverte de peinture, simplement parce que tu dois rendre une toile peinte!
Il faut tout de même que ça représente quelque chose, que ce soit beau, que ça fasse plaisir à regarder.
Je ne veux pas passer ma vie à entendre les gens se moquer de moi, ou, pire, à me trouver hideuse!

Le Peintre, sans plus s’occuper de la Toile, se mit à chercher sa vieille boîte de peintures à l’huile, ses pinceaux, et tout ce qu’il fallait pour peindre, enfin.
Il avait racheté quelques couleurs, mais ses anciens tubes, bien rebouchés, avaient traversés les années sans trop de dommages.
A la rigueur, une allumette, parviendrait à dévisser un vieux bouchon récalcitrant.

La Toile, silencieuse enfin, regardait ces préparatifs avec beaucoup d’attention.
Le Peintre, un crayon à la main, s’approcha de la Toile.
Celle-ci eut un imperceptible mouvement de recul, vite arrêté par un coup d’œil sévère du Peintre.

Allons-y, dit-il.
Et d’un geste large, sans trembler, il traça de grands coups de crayon sur la Toile, qui semblait trouver cela très agréable, et frétillait comme une chatte que l’on flatte, parce qu’elle a attrapé un mulot qu’elle vous apporte en guise de cadeau.
– Tu vas arrêter de bouger non d’une pipe? lui dit-il, un pinceau entre les dents.
– Non, non, c’est pas mal, tu es bien partit, ne t’arrêtes pas, je sens que tu vas très bien t’en sortir, ne fais pas attention à moi. Je bouge parce que tu me chatouilles, j’y peux rien, je suis très chatouilleuse.
– C’est bien ma veine, dit le peintre. Je suis tombé sur une toile chatouilleuse! Mais au point où nous en sommes, plus rien ne m’étonne.

Et le Peintre peint!
Il prit son temps.
Ce fut un beau duel, entre lui et sa Toile.
Parce qu’elle ne se laissa pas faire, la bougresse.
Elle donna son avis, et plutôt deux fois qu’une.

– Tu ne vas pas mettre ce jaune citron ici! Ça va éteindre les autres couleurs. Tu ne te rends pas compte??? Enfin, un peu de jugeote, que diable! Ça n’est quand même pas à moi à t’apprendre à peindre!
– Je ne te le fais pas dire!!! Alors, tu te tais, et tu me laisses faire maintenant. Sinon je vais perdre le fil de mon inspiration.

Le silence (encore lui!), s’installa dans l’atelier.
Seul, le bruit des pinceaux que le Peintre nettoyaient dans l’essence, se faisait entendre de temps en temps.
Le Peintre, maintenant, avait l’air de prendre plaisir à ce qu’il faisait.
Enfin, pas pendant bien longtemps.

Un soir, en quittant l’atelier, il avait l’œil mauvais.
Il bougonnait, regardait la Toile avec colère, faisait des gestes désordonnés, bref!, ça n’allait pas, il n’était pas content de son travail et ça se voyait!
La Toile n’en menait pas large.
Pour une fois, elle ne la ramenait pas.
Elle tendait le dos, comme si elle prévoyait une catastrophe.
Le Peintre sortit, et la Toile resta seule, pour la nuit.

Le lendemain matin, de très bonne heure, le Peintre arriva à l’atelier, avec un air qui fit frémir la Toile.
Et elle avait raison d’avoir peur.
Le peintre prit un chiffon qu’il imbiba d’essence et s’approcha de la Toile, l’air fermement décidé.

Celle-ci fit un écart tellement grand, qu’elle s’étala par terre, ce qui fit jurer très grossièrement le Peintre.
– Ça suffit ta comédie, lui dit-il, en la replaçant sur le chevalet.
– Mais que veux-tu faire, avec ce chiffon imbibé d’essence?
– Ne t’inquiètes pas, pas, je ne vais pas t’enflammer. Non, je veux juste tout effacer, et recommencer autre chose. Ce que j’ai fait ne me plaît pas.
– Tu es fou???? C’est très bien ce que tu as fait. Arrête de te torturer et continue ton travail, tu es sur la bonne voie.

Mais le Peintre, sans se préoccuper des protestations de la Toile, appliqua le chiffon et frotta..

La Toile rouspéta, cria au scandale, l’insulta, mais rien n’y fit, le Peintre continuait de frotter.

Pourtant, au bout d’un moment, il s’arrêta, l’air stupide, les sourcils en points d’interrogations, les mains sur les hanches.
La Toile, depuis quelques instants, rigolait doucement.

– Que se passe-t-il dit le Peintre? J’ai beau frotter, seule la peinture d’hier est partie. Tout le reste tient, et tient bien, pas moyen de l’effacer, je n’y comprend rien.

– Eh! oui, dit la Toile, tu ne penses tout de même pas que je vais te laisser détruire tout ce que tu as fait depuis des jours, et même des semaines, simplement parce que tu as un moment de découragement?
Tu as défait ce que tu as fait hier, soit, maintenant, au boulot.
Tu vas y arriver. Ce que tu fais me plaît bien.
Tes couleurs, ton dessin, tout ça se tient bien, vas-y, ne flanche pas maintenant, ce serait trop bête.
Allez, ce sont les dernières longueurs, au travail !

Et le Peintre termina sa Toile.

Quand il la montra à ses amis, il n’était pas très à l’aise.
Il craignait leur jugement.
Mais, à sa grande surprise, ils se montrèrent très satisfaits de son travail, et tout le monde le félicita joyeusement.

Personne ne remarqua que la Toile se dandinait doucement sur son chevalet.
Elle semblait très fière d’elle même, et très contente des compliments que le peintre recevait.
Celui-ci était aux anges.
Toutes ces heures de souffrances, de doute, étaient effacées.
Il avait réussi son pari, enfin!

Son copain, à l’origine de cette aventure, vint le voir pour le féliciter.
– Bravo mon vieux! Sincèrement, je savais que tu y arriverais, sans quoi je ne t’aurais pas lancé ce défi. Mais tu l’as réussi au delà de mes espérances. Encore une fois, bravo!
Mais, quel titre as-tu donné à ce tableau?

Le peintre demeura un instant silencieux.
Il n’avait même pas songé à donner un titre à son travail, et ne savait pas quoi répondre.
Il dit à son copain: Reviens me voir dans quelques minutes, je te le dirai ».
Si son copain fut intrigué, il ne le montra pas, et il se retira en silence.

Le peintre alors, regarda autour de lui pour s’assurer que personne ne le regardait, puis il se tourna vers la Toile et lui dit à voix basse:
– Puisque tu as tellement participé à ce travail, et que tu as tellement fait ta maligne, à toi de jouer, maintenant! Comment veut-tu t’appeler?

La Toile resta silencieuse un moment, puis, la voix un peu chevrotante, elle dit: « Ça me touche beaucoup ce que tu me proposes, oui, vraiment beaucoup.
Que penserais-tu de  » Si je vous racontais, vous ne me croiriez pas » ?
– Un peu long comme titre, non? Mais dans le fond, c’est vrai. Si je racontais cette histoire, on me prendrait pour un fou.
Alors il vaut mieux que je ne dise rien.
Ce titre me plaît beaucoup, merci, je le garde.
La toile se trémoussa un peu, juste un peu, pour montrer qu’elle était contente.

Le Peintre alla trouver son copain et lui révéla le titre de son tableau.
L’étrangeté du titre ne sembla pas l’émouvoir, et même, il proposa d’acheter la Toile.
Mais le peintre refusa.
Est ce que l’on vend son âme?

Il repartit donc chez lui, sa Toile sous le bras, heureux.
La toile aussi était heureuse. Elle n’aurait pas supporté de vivre ailleurs que chez son Peintre.
Et puis, si le Peintre avait un jour l’envie de peindre de nouveau, qui sait, l’aventure recommencerait peut-être, avec une autre Toile?
Qui sait?……

(Tous droits réservés)

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5 réflexions sur « Le Peintre »

  1. MAURY
    l’ange et sa toile..on peint .une longue et belle histoire……. aussi passionnante que celle-ci……….en tout cas …moi je sais et connais la FIN
    SVP monsieur BOUDIN dessine moi un ANGE QUI PASSE ET REPASSE

    madame ARTHUR

  2. je vous savais très bonne photographe , mais je ne vous savais pas poétesse !!!!!
    que de beaux textes , mon préféré / OPHÉLIE !!!!!!!
    bisous

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